dimanche 18 novembre 2012

Le « nouveau » Livre Blanc sur la défense et la sécurité : mission impossible ?


On sait que le nouveau Président de la République a jugé souhaitable de reprendre plus complètement le Livre Blanc de 2008- il devait être actualisé à mi-parcours-, et de préparer -il sera normalement présenté fin 2012 et devrait être approuvé au tout début de l’année 2013-, un « nouveau Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale »

On rappelle qu’un livre blanc a pour fonction de décrire l’environnement géo-stratégique de la France, les menaces auxquelles nous devons faire face et de définir la stratégie et les moyens à mettre en œuvre face à ces dangers pour assurer la défense et la sécurité de notre pays et de ses intérêts dans le monde.

Consulat américain de Benghazi (Libye)

● Il convient donc d’abord de regarder le contexte géo-stratégique d’aujourd’hui et de demain nous permettant de mieux appréhender les menaces qui se dessinent contre notre pays dans les décennies qui viennent. On peut penser de ce point de vue que l’analyse de la « donne internationale » et des menaces extérieures devrait être très voisine dans le nouveau Livre Blanc de ce qu’avait retenu le Livre Blanc 2008 en prenant la mondialisation comme toile de fonds de la réflexion. Le contexte stratégique n’a pas en effet radicalement changé pour nous depuis 2008 : la montée en puissance de l’Asie et de la Chine en particulier a été confirmée avec la possibilité d’apparition ou de réapparition demain de menaces lourdes et de conflits interétatiques majeurs avec ce déplacement stratégique du centre de gravité vers le Pacifique. Le monde de demain restera également gros –comme hier- de menaces multiples, complexes, protéiformes avec des perspectives de conflits régionaux, de guerres asymétriques, de menaces transverses : terrorisme,… Peut être faut-il souligner dans ce contexte de grande continuité la « rupture », la « surprise » stratégique constituée par le printemps arabe et ses conséquences en termes d’instabilité et de terrorisme, en particulier plus près désormais de chez nous au Sahel

● Face à ces menaces et à ces conflits, nous allons donc afficher dans le nouveau Livre Blanc –comme cela a été fait dans les documents précédents- la volonté de la France de se donner un outil militaire aussi efficace et complet que possible, notre ambition de se doter d’une capacité et de moyens militaires les plus adaptés que possible face aux dangers que l’on devine

Or, force est de reconnaître que, plus que le par le passé, il ne va pas être facile sinon impossible de concrétiser cette ambition et cette volonté fortes compte tenu des contraintes budgétaires imposées à notre effort de défense


Hier, déjà, de longtemps nous avons eu un sous-financement chronique de notre outil de défense qui fait qu’aujourd’hui nous avons certes un outil de grande qualité, mais un outil de dimension limitée, avec des failles et des lacunes capacitaires criantes (avions ravitailleurs,…). On ne voit pas comment demain dans le cadre du nouveau Livre Blanc et de la nouvelle loi de programmation militaire (2014-2019) on pourra remédier à ces insuffisances avec la crise économique actuelle –crise longue- qui fragilise notre pays et met sous tension les budgets militaires qui doivent contribuer aussi à l’effort de rétablissement des comptes publics dans le cadre d’une croissance économique durablement affectée

François HOLLANDE a réaffirmé avec solennité –le nouveau Livre Blanc devra donc reprendre cet engagement- sa volonté de maintenir le nucléaire et les outils de souveraineté (dissuasion, spatial,..)

Le conventionnel va donc subir une extraordinaire contrainte et malgré les efforts qui vont être déployés par les rédacteurs du nouveau Livre Blanc pour trouver plus de polyvalence et de simplicité dans les équipements, pour s’appuyer davantage sur les potentialités d’une Europe de la Défense (en matière de drones,..)…., nous sommes bien dans une logique apparemment irréversible de diminution des formats, de réduction de notre prétention à agir en acteur majeur dans de multiples crises simultanées,… Nous sommes bien confrontés avec le nouveau Livre Blanc à la même mission impossible qu’hier, en plus accusée pour l’avenir désormais, à savoir la volonté de maintenir au mieux la France comme grande puissance militaire majeure alors que la trajectoire financière de notre pays en crise ne le permet plus.  Oui, on peut craindre que notre nation ne puisse éviter en matière de défense –comme sur les autres terrains : industrie,.. un certain décrochage, un certain déclassement.

par Pierre PASCALLON
Professeur Agrégé de Faculté
Président du Club Participation et Progrès


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